Une exploration mentale méditative proposée par Yaakab.
Vous êtes un explorateur. L’explorateur de votre monde intérieur.
Il y a des jeux à la croisée de la méditation et du jeu d'imagination. Le Rêve de l'Escalier en est un. Ce jeu vous propose de plonger, lentement, pas à pas, dans votre esprit.
Vous aurez besoin de :
- Du calme,
- Un lieu confortable où vous allonger,
- Votre esprit,
- (De quoi écrire).
Eh oui, aucun matériel n'est vraiment requis ! Une fiche « Journal d'exploration » est cependant fournie, vous pouvez donc prévoir de quoi écrire si vous souhaitez la remplir (ou la recopier dans un carnet). Mais vous pouvez également y jouer sans rien noter, en lâchant prise.
En bref (version courte)
Mon article sur ce jeu, retraçant mon ressenti, étant bien plus long que prévu, voici un paragraphe résumant tout cela. Je vous invite tout de même à lire, petit à petit, mon article de blog et à tester le jeu. Comme d'habitude, retrouvez le lien vers ce jeu en fin d'article.
Le Rêve de l'Escalier est un jeu d'imagination très libre, centré sur l'exploration de vos émotions mentales pendant l'exploration immobile d'un lieu imaginaire. Les règles tiennent en quelques phrases et le jeu vous propose en quelques paragraphes le lieu à explorer, étape par étape. Ce jeu vous invite à prendre du temps pour vous, au calme, voire de vous entraîner à lâcher-prise. C'est de mon point de vue un jeu de méditation. C'est un jeu qui peut sembler austère et exigeant mais vous pouvez l'apprivoiser au fil de plusieurs sessions de jeux. L'important est, selon moi, de ne pas vous acharner à essayer lorsque vous n'y arrivez pas : faites une pause, faites autre chose de non-productif et méditatif, et prévoyez une nouvelle session de jeu un prochain jour.
Version longue
Voici tout l'article, présentant sans spoils Le Rêve de l'Escalier, exposant mon point de vue sur ce jeu et ce à quoi il m'a fait penser.
Quelques pages pour une durée de jeu illimitée
8 pages, dont 1 de couverture et 1 fiche. C'est tout. Sur chaque page, peu de texte. Ce jeu est en effet très court à lire mais il propose une expérience pouvant s'étendre aussi loin dans le temps que vous le souhaitez… et pouvez ! Autant au cours d'une session de jeu que d'une partie complète, si tant est que ce jeu puisse véritablement avoir une fin. C'est un jeu qui vous propose une exploration par étapes, ou plus précisément (et littéralement) par paliers, il a donc techniquement une fin une fois les 10 paliers explorés mais, vu l'expérience proposée, j'y vois surtout la création d'un monde intérieur dans lequel on pourra indéfiniment revenir. Notez que le jeu vous guide étape après étape pour explorer le premier palier et vous laisse totalement libre pour les 9 suivants.
En lisant le jeu sans en faire l'expérience, on pourrait croire que c'est simple, qu'il suffit de fermer les yeux et imaginer les lieux avec quelques détails par-ci par-là histoire de les personnaliser. On ne le dirait donc pas au premier abord, mais c'est en fait un jeu difficile qui exigera de vous de la concentration et de l'implication. Il sera d'autant plus difficile si vous n'avez jamais ou très peu médité. En l'état, je ne suis pas certaine qu'il puisse servir d'introduction à la pratique de la méditation, pourtant il ne manquerait pas grande chose pour qu'il en devienne une…
Marche après marche, prenez votre temps
Dans ce jeu de méditation onirique, vous vous enfoncez dans un lieu imaginaire en vous imaginant vous-même en train en marcher. Vous descendez progressivement dans votre esprit. Et c'est le cas de le dire, l'Escalier mentionné dans le titre est l'escalier que vous allez imaginer descendre pas à pas, marche après marche, palier après palier, pièce après pièce… et surtout, sans vous presser.
« Prenez votre temps » est la première règle de ce jeu. C'est, à mon sens, la plus importante. Autant pendant la partie qu'en dehors :
-
Pendant votre session de jeu,
le texte vous encourage très fortement à imaginer vos sensations et votre ressenti à chaque marche et chaque palier. Chaque détail peut être imaginé, ressenti, goûté. Et de nouveaux éléments viendront lors des prochaines explorations. Mais vous n'avez pas à tout noter. Vous pouvez simplement vivre l'instant et noter quelques bribes en fin de session selon ce dont vous vous souvenez ou ce qui semblait s'imposer le plus à vous… voire ne rien noter. De mon point de vue, réussir à jouer de cette façon encourage le lâcher-prise. On a trop tendance à vouloir tout écrire, garder une trace de tout. Ce qui, en dehors de me remémorrer une anecdote sur laquelle je reviendrai juste après, me fait venir au second point :
-
En dehors de la session de jeu,
prendre le temps est tout aussi important. Se préparer mentalement à jouer, réfléchir au moment calme qui sera favorable à la partie, que l'on va s'accorder cet après-midi, demain matin ou le soir avant de dormir… C'est une façon de se projeter déjà, avant même de jouer, dans un état d'esprit apaisé et apaisant. C'est préparer son esprit (si ce n'est son corps) à un moment de repos. Un moment où l'on s'éloigne des choses réelles qui peuvent nous stresser (vous voyez, le genre d'éléments que l'on pourrait avoir envie de sceller dans la pièce tout en bas des escaliers ?). Un moment où l'on va repenser avec douceur à ces choses réelles qui nous font chaud au coeur (vous voyez, ces éléments que l'on voudrait déposer dans cette même pièce, mais pour les conserver précieusement, exposés en plein milieu de notre cachette mentale ?).
Ne rien noter, c'est lâcher-prise
Que faire de ce que l'on vit pendant une session de jeu ? Faut-il tout noter ? Pendant la partie ou à la fin ? S'enregistrer à l'audio ? Et pourquoi pas ne rien noter ? L'auteur ne précise pas vraiment cela : faut-il gérer une prise de note ou non ? Si oui, comment – pendant ou après la session de jeu ? Il fournit en effet une fiche nommée Journal d'exploration, qui suggère, eh bien, de tenir un journal.
Oh, joueuses de keepsakes games, promis je testerai vos jeux chéris dont le but est de créer et conserver des traces, mais en attendant vous n'allez pas aimer ma confession : j'aime brûler des trucs, j'aime déchiqueter des papiers, j'aime gribouiller des photos. J'aime donner ou détruire. J'aime l'éphémère. Pas dans tous les domaines de ma vie, et surtout pas dans le champ relationnel, car la stabilité peut être saine et nécessaire voire salvatrice. Mais j'aime les objets et activités qui passent et disparaissent de nos vies. J'aime ce que l'on détruit, ce que l'on casse, ce que l'on oublie. Ce qui nous laisse un vague souvenir, flou. Ca n'a pas toujours été le cas (j'ai longtemps souffert de ne pas réussir à mémoriser pas mal de choses, même importantes). Désormais, j'aime ces flous dans mes souvenirs, ces zones où seul le ressenti a subsisté. En fait, j'ai appris à aimer tout cela. Et je m'en suis véritablement rendue compte pendant un évènement. Il est venu le moment de sortir cette petite anecdote mentionnée plus haut.
L'anecdote
C'était il y a quelques années, 5 tout au plus, pendant un évènement qui encore aujourd'hui reste cher à mon cœur. J'avais rejoint un groupe de quelques centaines de personnes, toutes inconnues, dans un cadre bienveillant de formation, de partage et d'activisme, pour à peine deux ou trois semaines qui furent magiques. Lors d'une formation que j'avais choisie, la « formatrice » nous regarda toutes et tous puis fit une remarque. Ma mémoire a laissé filer ses mots et j'avais décidé de ne pas les écrire, mais le sens de sa phrase est resté ancré dans mon esprit : même si nous l'écoutions activement, nous étions toutes en train d'écrire ce qu'elle nous partageait, ce que nous voulions d'elle qu'elle nous enseigne. La notion d'écoute active est quelque chose que je connaissais déjà et tentais de pratiquer au mieux, mais ce moment fut décisif. Écouter activement – avec toute notre attention et sans autre pensée que le sens des mots que cette personne est en train de prononce – peut aussi (et devrait ?) se faire en vivant également l'instant présent. En appréciant cet instant. En n'étant pas occupée sur une autre activité, même si cette activité est l'écriture de ce que l'on écoute. Prendre des notes, c'est utile dans un contexte scolaire ou dans le contexte d'une présentation ou conférence préparée. Mais, hormis ces deux exceptions, est-ce enrichissant ? Dans le contexte de la vie, sans notation, sans « contrôler » ce que l'on a retenu, sans obligation d'exposer ce que l'on sait précisément sur un sujet, est-ce l'expérience que l'on souhaite vivre ?
Est-ce une simple révélation de Carpe Diem ? Peut-être. Est-ce une façon de vivre les JDR (solo ou non) enrichissante ? Certainement. Ne prendre des notes que si le contexte l'exige, sinon ne prendre des notes qu'après coup, voire pas de notes du tout, c'est quelque chose de libérateur. C'est quelque chose que les jeux méditatifs, oniriques, nous font ressentir. Laissons les prises de notes aux jeux dédiés spécifiquement à l'écriture. Les JDR, et particulièrement une grande partie des jeux solo, incitent à l'écriture, comme si se rattacher à l'écriture légitimait le jeu comme une activité acceptable (car productrice de contenu tangible ?). Il y aurait encore beaucoup à dire, sur la méditation, les jeux solo, le rapport aux façons de jouer « enfantines » libres et uniquement en pensée, la tradition de l'écriture légitimant toute activité comme acceptable par des adultes, les souvenirs de parties comme sources de véritables émotions… Mais, comme un esprit dissipé, je divague ; je vais donc me concentrer de nouveau sur un sujet à la fois, une marche après l'autre. Apprécions le moment, le vécu de notre personnage, et même les moments où il ne progresse pas dans l'aventure.
Si je parle en langage rôliste hors-personnage, cela signifierait par exemple de choisir d'aller à une convention en prévoyant quelques parties si l'on y tient, mais en se laissant surtout porter sur le moment par ce que l'on voit et les personnes que l'on rencontre. Se laisser porter, lâcher prise, et apprécier également les instants de flottement, de vide, d'indécision, de ce que beaucoup nomment « ennui » et cherchent à combler sans même tenter de les apprécier pour ce qu'ils sont. En langage commun, il s'agirait de se promener ou voyager sans prendre en photo chaque détail mais en appréciant simplement la marche et les paysages, en ne prenant au maximum que deux ou trois photos « capitales » pour se souvenir avec précision de telle ou telle personne ou de tel instant ou bâtiment précis… les autres « photos » étant celles que l'on prend avec nos yeux et notre esprit, et qui finiront par disparaître pour ne laisser qu'une vague impression : le souvenir du ressenti vécu sur place.
L'émotion plutôt que la trace.
L'oubli consenti plutôt que la précision.
Ce n'est pas quelque chose de simple. Loin de là. Même avec de l'entraînement, on n'est pas toujours dans un état d'esprit propice pour ressentir plutôt que noter. Et il peut être dur d'entrer dans cet état d'esprit. Mais toujours, la porte est là. Cette porte imaginaire, parallèle à notre réalité. Parfois, elle reste désespérément fermée et ce n'est absolument pas le moment de l'ouvrir – il faut alors lâcher-prise auprès de cette porte, avoir conscience qu'il faut la laisser fermée pour l'instant et n'y revenir que plus tard. Parfois, elle coulissera ou s'ouvrira avec quelques petits efforts avant de réussir à lâcher-prise avec votre propre esprit. Et parfois, elle sera déjà ouverte au moment où vous fermerez les yeux.
Et si je n'y connais rien en méditation ou que j'ai essayé mais sans résultat ?
Tout d'abord, un point si vous n'avez jamais approché la méditation. Peu importe l'image que vous en avez, oubliez tout et lisez ma courte présentation :
Pratiquée depuis des millénaires, c'est une pratique bénéfique au corps et au cerveau, et ça consiste à entraîner et modifier son esprit, son fonctionnement neuronal. Cet entraînement prend la forme d'exercices de respiration et de concentration. Ca peut se pratiquer dans une position assise bien connue mais pas seulement, des exercices de méditation se font également en marchant ; l'important étant toujours de focaliser son esprit sur quelque chose (chaques pas pendant une marche par exemple, ou sur un sujet précis tel qu'une émotion ou la valeur d'une vie). La méditation est une pratique introspective qui permet ensuite d'être plus à l'écoute d'autrui, elle a un impact autant personnel que collectif.
Comme n'importe quelle pratique, ça demande donc de l'entraînement et les débuts peuvent être très difficiles. Si vous avez déjà essayé de méditer, avec ou sans aide, vous avez peut-être ensuite abandonné pour diverses raisons, probablement par frustration (ne pas réussir à laisser filer vos pensées ou « faire le vide », ne pas atteindre ce qu'on appelle pleine conscience ou ne pas prendre le temps). Pas besoin toutefois de maîtriser vraiment cette pratique pour apprendre à l'apprécier. La méditation, ça peut aussi être ne pas se fixer d'objectif et simplement essayer de prendre du temps pour soi, apprécier de ne « rien faire ».
La première fois que j'ai lu et testé Le Rêve de l'Escalier, une idée persistait dans mon esprit : ce jeu mériterait une version audio pour le transformer en méditation guidée. Car le JDR méditatif mérite d'être connu, diffusé et essayé par un plus grand nombre de personnes. C'est la forme de JDR qui mérite le plus une adaptation audio. Et les méditations guidées audio sont, à mon sens, une belle introduction à la pratique de la méditation. (À ce jour, les anglophones « indés » proposent des versions audio de leurs jeux… Francophones, emparez-vous de ce format !) Pour des personnes non-habituées comme habituées, une version audio pourrait être une belle « aide de jeu », tout comme des conseils en exercices de respiration par exemple.
Vous pouvez aussi voir ce jeu non pas comme une méditation (l'auteur ne le définit à aucun moment comme tel, ce n'est que mon ressenti et point de vue), mais plutôt comme la création d'un lieu imaginaire dans lequel venir déposer des souvenirs. Un peu comme cet article de blog sur lequel je vous déposais un peu plus haut une anecdote chère à mon coeur.
Le Rêve de l'Escalier est donc un moment à vous, qui peut vous apaiser, vous muscler l'esprit, et vous permettre de repenser à des souvenirs ou pensées importantes pour vous. Je l'ai testé en alternant entre lecture des règles et exploration, en exploration sans pause puis en prenant des notes après la session, puis en m'enregistrant ponctuellement à l'audio, mais ce sont définitivement les sessions en lâcher-prise – sans rien écrire ni enregistrer, en exploration mentale totale – qui furent pour moi les plus belles. Mes sessions n'ont pas eu la même durée, mais je me suis chaque fois accordé un même créneau.
Et donc, ça dure combien de temps ?
Prévoir 1H à 1H30 de temps de jeu me semble idéal. C'est environ le temps de jeu que je me suis accordée sur chaque session, sauf la première où je me suis préparé un créneau de 2H30. En réalité, pour cette première session, c'est mon corps qui a imposé une telle durée : je savais que je ne pouvais que difficilement bouger, à cause de douleurs physiques qui me forçaient à devoir attendre sans bouger, mais après avoir testé Le Rêve de l'Escalier, mon corps et mon esprit étaient un peu plus apaisés. Bien sûr ça ne vous soigne pas physiquement, mais comme une session de respiration ou de méditation, cela pourrait apaiser quelques douleurs, qu'elles soient physiques ou mentales.
Ainsi, même si je n'ai pas forcément « joué » à chaque fois pendant toute la durée du temps que je m'accordais, j'ai apprécié ce temps prévu pour simplement me reposer. C'est donc en prévoyant au minimum 1H de session que l'on peut apprécier un effet de ce jeu : prévoir du temps pour soi, au calme et sans pression de résultat, même si l'on n'arrive pas à entrer dans le jeu.
À noter que je ne suis pas le genre de personne à m'ennuyer, bien au contraire je rêve d'ennui même et je m'accorde trop peu d'instants de calme. Si vous êtes par contre dans le cas où vous vous « ennuyez » rapidement et ne supportez pas de ne « rien faire », vous pouvez commencer par vous prévoir un créneau de 30 min et voir si cela vous convient et si vous trouvez une autre activité « méditative » à faire si vous ne parvenez pas encore à entrer dans le Rêve de l'escalier.
Il y a parfois des jeux qui peuvent vous sembler austères à lire ou trop atypiques pour les apprécier. Je pense que Le Rêve de l'Escalier fait partie de cette catégorie de jeux. À première vue, un document texte brut avec uniquement quelques consignes, mais des consignes inhabituelles pour du JDR, qui ne vous parleront pas si vous n'avez pas l'habitude de la méditation ou des jeux oniriques et méditatifs. Croyez-moi, ce serait dommage de ne pas au moins tester de temps en temps ce type de jeux. C'est un jeu qui demande un effort, et un effort différent des autres JDR, mais qui peut vous apporter énormément, mentalement, personnellement. Essayez.
Ce que vous voyez : une porte. À quoi elle ressemble et qu'y a-t-il au bas de l'escalier, c'est à vous d'en décider.
Liens
- Retrouvez Le Rêve de l'Escalier sur itch.io
- Yaakab écrit et publie en ligne régulièrement des jeux, autant personnels que dans le cadre de défis comme le 3 Fois Forgé. Il écrit aussi des articles témoignant de son expérience d'« éduc spé » jouant au JDR avec des personnes en situation de handicap. Retrouvez ses jeux sur itch.io, Multiversalis et trop long pas lu. Retrouvez ses articles « JDR & Handicap » sur D1000&D100, ainsi que sa présentation sur le même site.
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